Le détournement de fonds et le blanchiment d’argent sont deux formes de criminalité financière souvent confondues. Pourtant, leur nature juridique et leurs mécanismes diffèrent significativement. Selon l’ONUDC (l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), le blanchiment de capitaux représente entre 2 et 5 % du PIB mondial, soit entre 800 milliards et 2 000 milliards d’euros. Inutile de dire que ces infractions menacent la stabilité du système financier international et exposent les entreprises, en particulier celles qui gèrent d’importants flux financiers, à des risques juridiques, pénaux et réputationnels significatifs.
Pour mieux comprendre ces deux notions, faisons une analyse de ce qu’elles impliquent. Qu’est-ce que le détournement de fonds ? Qu’est-ce que le blanchiment d’argent ? Quelles différences entre ces deux infractions ? Quelles sanctions sont prévues par la loi ? Et comment se prémunir efficacement contre ces risques ? Abordons toutes les réponses à ces questions.
Qu’est-ce que le détournement de fonds ?
Le détournement de fonds constitue un délit pénal en droit français et dans la plupart des pays. Il désigne le fait qu’un individu, salarié ou dirigeant, utilise de manière frauduleuse des fonds, des biens ou des capitaux qui lui ont été confiés par son entreprise ou par des clients. Contrairement à d’autres formes de fraude financière, l’auteur d’un détournement de fonds dispose d’un accès légitime aux comptes et aux ressources qu’il détourne.
Les exemples de détournement sont plutôt variés. Il peut s’agir d’un directeur financier qui utilise la carte de crédit de sa société pour des dépenses personnelles, d’un employé qui crée de fausses factures pour siphonner de l’argent, ou même des pyramides de Ponzi où des investisseurs sont trompés lors d’un processus frauduleux d’investissement jusqu’à l’effondrement du système.
Contrairement aux idées reçues, cette infraction ne se limite pas à des entreprises isolées. En effet, elle peut tout à fait toucher des établissements financiers conséquents, des organisations internationales et des sociétés cotées en bourse.
Cela va sans dire, un détournement de fonds peut avoir un impact conséquent sur la réputation financière d’une entreprise, jusqu’à provoquer une perte de clients et susciter des rapports d’audit défavorables. Parce que la criminalité dite en col blanc ne fragilise pas que les victimes directes, elle touche également la confiance globale dans le système financier.
Qu’est-ce que le blanchiment d’argent ?
Le blanchiment d’argent est défini par le Code pénal français comme toute opération qui a pour but de dissimuler l’origine illicite de fonds provenant d’un crime ou d’un délit. L’objectif de cette action est de réinjecter ces capitaux dans l’économie légale pour leur donner une apparence licite. Évidemment, c’est une infraction pénale très grave qui alimente le plus souvent la criminalité organisée et le financement du terrorisme.
De manière générale, le blanchiment se déroule en trois étapes.
La première étape consiste à placer l’argent sale dans le système financier, via des dépôts fractionnés sur différents comptes bancaires ou des transactions en espèces dans des établissements commerciaux.
La seconde étape correspond à la stratification, c’est-à-dire au transit des fonds entre divers pays, sociétés écrans ou investissements fictifs, et ce, pour brouiller leur origine.
La troisième étape est la phase dite d’intégration, qui réintroduit les capitaux blanchis dans l’économie légale par le biais de placements immobiliers, d’achats de biens ou de créations d’entreprises fictives.
Plusieurs exemples concrets illustrent ces techniques. Il peut s’agir :
- d’un trafiquant de stupéfiants, qui ouvre plusieurs commerces de détail dans un pays européen et mélange les recettes réelles aux fonds issus du trafic ;
- d’une entreprise écran, créée dans un paradis fiscal, qui reçoit des transferts financiers provenant de fraudes fiscales commises en France et qui investit ces capitaux dans des biens immobiliers à l’étranger ;
- des crypto-actifs utilisés pour transférer des fonds d’origine criminelle hors du système bancaire traditionnel (et qui rendent plus difficile la traçabilité des flux financiers).
- du marché de l’art, qui sert de support à des transactions fictives où des œuvres sont achetées à des prix volontairement gonflés pour légitimer des sommes illicites.
Pour tenter de contrer le blanchiment de capitaux, le GAFI et les directives européennes successives ont imposé aux établissements financiers et aux entreprises soumises à des obligations de vigilance de signaler toute transaction suspecte.

Certaines opérations de blanchiment passent par des secteurs inattendus comme le luxe ou le sport, ce qui rend leur détection plus complexe.
Qu’est-ce qui distingue le détournement de fonds du blanchiment d’argent ?
La différence essentielle entre le détournement de fonds et le blanchiment d’argent réside dans la nature juridique des infractions et leur processus financier.
Dans un détournement de fonds, l’auteur a initialement un accès légitime aux capitaux qu’il détourne. Il commet alors un délit de fraude interne à une entreprise, une banque ou une institution. À l’inverse, dans le blanchiment d’argent, l’auteur traite des fonds issus d’un crime préalable (trafic de drogue, corruption, fraude fiscale, criminalité organisée, etc.) qu’il tente de réinjecter dans le système financier légal.
En d’autres termes, le détournement est l’infraction initiale, là où le blanchiment intervient après un crime ou un délit pour masquer l’origine de l’argent. Par exemple, un employé qui détourne de l’argent commet une fraude interne, mais s’il transfère ensuite ces fonds vers des comptes offshore dans un pays à faible coopération judiciaire, en utilisant des techniques sophistiquées de dissimulation, il se rend aussi coupable de blanchiment.
C’est pour cette raison qu’en matière financière, le droit pénal prévoit deux qualifications distinctes. Toutefois, dans la pratique, il n’est pas rare que ces infractions se chevauchent, d’où l’importance d’une analyse détaillée des flux financiers.
Quelles sont les sanctions prévues pour ces deux infractions ?
Vous vous en doutez, les sanctions pénales prévues pour le détournement de fonds et le blanchiment de capitaux sont particulièrement sévères.
En France, le Code pénal punit le détournement de fonds jusqu’à 7 ans de prison et 750 000 euros d’amende, voire davantage si l’auteur est dépositaire de l’autorité publique ou agit en bande organisée.
De son côté, le blanchiment d’argent est puni jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende. Néanmoins, certaines peines peuvent atteindre 10 ans de prison et 750 000 euros d’amende lorsque l’infraction est aggravée (financement du terrorisme, etc.).
Mais les sanctions ne s’arrêtent pas aux personnes physiques. Les sociétés et établissements financiers peuvent également être condamnés à des amendes de plusieurs millions d’euros, subir des interdictions d’exercer certaines activités, voire être radiés de certains registres professionnels. Des sanctions administratives sont aussi prévues, comme la publication des décisions de condamnation, une pratique qui porte gravement atteinte à la réputation d’une entreprise.
Notez que dans des pays comme la Suisse, où la fiscalité et la finance internationale occupent une place de choix, les autorités appliquent très strictement les directives du GAFI. De même, les obligations de vigilance imposées par les régulateurs européens, notamment dans le cadre de la directive anti-blanchiment, exigent des établissements qu’ils identifient et signalent la moindre transaction suspecte sous peine de sanctions financières conséquentes.
Comment se prémunir contre les détournements de fonds et le blanchiment d’argent ?
Pour réduire les risques financiers liés au détournement de fonds et au blanchiment d’argent, les entreprises doivent mettre en place des mesures de prévention très strictes. Ces dernières passent par la formation régulière des équipes, la mise en œuvre de procédures internes de contrôle des transactions, ou encore la réalisation d’une analyse détaillée des comptes et des flux financiers.
Quant aux établissements financiers, ils doivent se conformer aux directives européennes et à la loi française, en appliquant notamment des systèmes de surveillance automatisés pour détecter les activités suspectes en temps réel. Ces mesures sont aujourd’hui facilitées par l’intelligence artificielle et le machine learning, tous deux capables d’analyser les processus financiers les plus complexes, de détecter les comportements atypiques et de signaler des opérations qui ne correspondent pas au profil fiscal ou économique d’un client.
Vous comprenez donc que devant la multiplication des crimes financiers, les entreprises se doivent de comprendre les tenants et aboutissants du détournement de fonds et du blanchiment d’argent pour anticiper les risques (juridiques et financiers). À ce titre, l’utilisation de solutions de surveillance financière est un atout indispensable pour sécuriser vos activités et préserver la confiance de vos clients.